who are you really ? (ft. mad)

I knew that something would always rule me, I knew the scent was mine alone. All you have is your fire, and the place you need to reach. Don't you ever tame your demons, but always keep 'em on a leash. @Maddox Tokarz

Ça partait déjà mal, cette conversation avec Dmitry. Parce qu’il voulait lui parler de sa soeur, pour la énième fois, sans doute, parce qu’il n’est pas prêt de lâcher l’affaire et de baisser les bras. Parce que, jusqu’à maintenant, Dmi est le seul qui puisse véritablement lui donner un coup de main, entre quelques têtes qui n’ont pas autant d’influence sur le marché que lui. Mais il sait pertinemment, Damian, que ce n’est pas aussi simple que ça, et peut-être même qu’il en a rien à foutre, lui, de ses emmerdes. Ça le ferait salement chier, puis en même temps il n’en serait pas tant étonné. Lui qui le connaît depuis des années, ça se saurait, si Dmi n’était pas aussi égoïste et imbus de lui-même qu’on ne le pense, pas vrai ?
Il aurait de quoi être découragé, Dam, en toute honnêteté. Sa frangine continue ses conneries et il doit la regarder faire avec toute l’impuissance du monde, avec tous les mensonges qu’il peut déblatérer à sa mère qui ne voit toujours rien ; fort heureusement, sans nul doute. Il n’ose pas imaginer les problèmes si leur mère s’en mêlait, mais ça le soulagerait d’un poids énorme si elle était au courant aussi – paradoxe de merde qui le frustre d’autant plus. Alors les pistes s’effritent, disparaissent, ne donnent pas grand chose, les plans tombent à l’eau et Raquel s’enfonce jour après jour. Il remet tout en doute, Dam, à commencer par son rôle de frère aîné, se demandant sans cesse, ces derniers jours, « mais pourquoi je me prends la tête avec ça ? ». C’est vrai, il pourrait tout laisser tomber et laisser sa soeur tranquille, après tout. Peut-être que ce n’est pas à lui de la tirer de là, peut-être que c’est vain d’essayer quand la personne elle-même ne veut pas être sauvée, peut-être qu’elle s’en rendra compte toute seule, au bout d’un moment. Mais il n’arrive pas à se mettre cette idée dans le crâne, incapable de rester là, les bras croisés, à ne rien faire, à la regarder couler sans lui tendre la main pour la ramener à la surface. C’est inconcevable pour lui.

Il est donc allé voir Dmitry, Dam. Ils se sont donnés rendez-vous à un énième spot de deal, où il l’attendait alors qu’il comptait son argent sale, comme à l’accoutumée. Sauf que cette fois Dmi ne l’a pas entendu arriver, alors qu’il était au téléphone, sans qu’il ne sache avec qui ; et il aurait pu s’en foutre, sachant que ce n’était qu’une conversation sur ses magouilles parmi tant d’autres, rien qui pourrait satisfaire la curiosité parfois un peu trop exagérée de Damian.
Jusqu’à ce qu’un nom sorte. Un prénom, plutôt, qu’il connaît – qu’il connaît que trop bien même. Maddox.
Il a senti son coeur rater un battement et son cerveau l’insulter d’idiot pour ne pas y avoir pensé plus tôt. Il sait que Mad lui cache quelque chose, c’est indéniable, aussi bon comédien peut-il être, Dami a bien senti, la dernière fois qu’ils s’étaient vus, que quelque chose clochait. Mais comment aurait-il pu imaginer un seul instant que ce “quelque chose” avait quoi que ce soit en rapport avec… les Hellhounds, sans doute ? Les plans merdiques de Dmi, en tout cas, ce qui est déjà assez pour s'inquiéter et se mettre à douter.

Il n’est même pas resté, profitant du fait que Dmitry ne l’ait toujours pas aperçu pour dégager d’ici rapidement, une destination bien en tête. Il ne sait même pas si Madd est chez lui, mais il a besoin d’essayer, et de tirer tout ça au clair maintenant. Il a besoin de trouver des réponses à ses questions et de mettre enfin en lumière tous ces points d’ombre qui ne cessent de le ralentir dans ses objectifs – ou il n’arrivera jamais à trouver le sommeil cette nuit, malgré l’heure tardive.
Alors qu’il arrive dans les quartiers Nord, à quelques mètres de son propre chez lui, il jette un regard vers l’immeuble où habite Maddox, remarquant avec grand satisfaction qu’il y a de la lumière à sa fenêtre, signifiant qu’il est bel et bien là. Bien, il n’a pas de preuve, aucun indice si ce n’est que Dmi a mentionné son nom dans une discussion téléphonique semblant “professionnelle”, mais ça ne lui importe peu. Il faut bien que la confrontation arrive un jour ou l’autre ; peut-être que ça ne sert à rien, mais là tout de suite, Damian en a terriblement besoin. Besoin de comprendre la situation, de ramasser les pièces du puzzle et de constater les dégâts sûrement monstres, à l’heure qu’il est.
Il y a une certaine hésitation quand il toque à sa porte, une trop grande appréhension quand il entend les pas arriver jusqu’à lui, il ne peut le nier. Mais il n’a pas le temps d’y réfléchir, car le visage de Maddox se montre déjà dans l’ouverture de la porte, visiblement surpris de le voir ici à vingt-trois heures passées ; il ne peut pas lui en vouloir.
— Hey, écoute, je suis désolé de venir à l’improviste aussi tard, commence-t-il, l’air étrangement essoufflé, comme s’il venait de courir un marathon juste avant d’arriver. Je… enfin, j’ai besoin de te parler.
Il montre patte blanche pour ne pas que la discussion dégénère de suite, mais il est conscient que, déjà, il met les points sur les I avec cette phrase en apparence toute innocente. “J’ai besoin de te parler”, généralement ça ne dit rien qui vaille, et pendant une seconde il voit une lueur passer dans le regard de Mad – une lueur qu’il ne saurait décrire précisément, mais là comme ça, il sent qu’ils se comprennent à demi-mot. Ils se sont toujours compris d’un regard, tous les deux, pour le meilleur et pour le pire.
Et à cet instant, les deux savent que la conversation qui arrive n’aura rien de bien plaisant ; mais il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre, non ? Quand le mensonge prend l’ascenseur, la vérité prend l’escalier, mais finit toujours par atteindre sa destination, que cela prenne des jours ou des années.

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Il en serait presque agacé si il ne connaissait pas Maddox depuis des années. Il en serait presque énervé, pourtant, jusque-là, Damian reste incroyablement calme, quoique légèrement à cran, sentant la tornade arriver. Il observe le jeune homme devant lui avec la plus grande minutie, comme incapable de détourner ses yeux de lui, comme prêt à déchiffrer le moindre comportement qui le trahirait. Il se reprend de justesse pour éviter de paraître psychopathe, certain que Mad lui ferait la remarque, puis histoire… de rendre les choses normales et naturelles aux premiers abords, aussi. Le calme avant la tempête, comme on dirait.
Mais en vrai, qui dit qu’il ne s’imagine pas le pire pour rien, là ? Peut-être qu’il se fait des films, peut-être qu’il ne va rien se passer, peut-être qu’il est juste parano, qu’est-ce qu’il en sait ? C’est surtout ça qui l’amène à cet instant précis chez Maddox, en fin de compte ; pour savoir si c’est la raison qu’il perd, ou ses amis.
— Si c’est pour me dire que t’es fou amoureux de moi, j’te préviens j’ai pas changé, je suis toujours hétéro.
Sûrement aurait-il ri, en temps normal, ou juste pouffé, roulé des yeux d’un air amusé quoiqu’exaspéré. Mais cette fois, il ne fait rien de tout ça, Dam. Il se contente d’un sourire de coin terriblement faux, un poil crispé, qui ne dure qu’une fraction de seconde à peine, ne donnant même pas le loisir à Maddox de le voir vraiment.
Mais il sait pertinemment qu’il n’y a pas que lui, qui cache ses véritables pensées. Ils le ressentent tous les deux, qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez l’autre, et Dam le voit chez Mad d’une clareté qu’il n’avait jamais eu avant, comme si il venait de déposer le dernier puzzle et que l’image face à lui avait désormais un sens.

— Installe-toi hein, reste pas d’bout comme un con, lui lance Maddox, le sortant de ses pensées et de son état d’analyse digne d’un enquêteur sur une scène de crime.
Damian ne dit rien, s’avance d’un pas, puis s’arrête en lorgnant le canapé avec toute l’hésitation du monde. Il n’a même pas envie de prendre ses aises, il a juste envie d’en finir et de se barrer – mais patte blanche oblige, il ôte sa veste et s’assoit finalement sur l’accoudoir, comme prêt à détaler, le plus loin possible de Maddox.
— Je devais parler à Dmitry, commence-t-il, les yeux dans le vide, semblant fixer la table basse, incapable de tourner autour du pot encore plus longtemps. Tu sais, de cette histoire avec ma sœur ?
Il a l’air détendu, comme ça, Damian. Et en vrai, il l’est, même lorsqu’il pose son regard sur Maddox.
— Je sais que t’es dans ses combines. Je sais pas ce que tu fous comme connerie encore, mais j’ai besoin de savoir, j’veux juste la vérité Mad. Il a un semblant de rire jaune quand il continue : Parce que j’en ai marre qu’on me tourne le dos pour des mensonges à la con.
Il hausse le ton, pas trop, juste sa voix qui déraille et qui devient plus rauque, plus grave ; les traits de son visage qui se tirent dans une expression contrariée sans que ça ne saute aux yeux non plus.
— C’est quoi le truc alors, hm ? demande-t-il en haussant les sourcils, d’un air presque fataliste, prêt à entendre n’importe quoi venant de sa part – presque, tant que ce qu’il dit est la stricte vérité. T’es chez les Hellhounds aussi maintenant ?
Parce qu’il ne voit que ça, au fond. Il n’a même pas à chercher plus loin, ça lui paraît l’évidence même, maintenant qu’il a les cartes en main. Mais putain, quelle dégringolade ; qu’est-ce qu’il foutrait là-bas, Maddox, alors que certains sont encore plus bas sur l’échelle sociale de Canaryville et n’ont même pas craqué si facilement à la déchéance locale ?

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Maddox l'a pris pour un con si longtemps qu'il le prend mal, terriblement mal. Son comportement l'irrite et sa réaction l'agace, comme si il ne faisait pas ce que Damian aurait voulu qu'il fasse – il ne sait pas vraiment, il ne saurait l'expliquer clairement. Et puis ça lui fout un coup dans l'ego aussi, le simple fait qu'il n'ait rien vu venir, qu'il n'ait même pas eu l'intelligence de faire le rapprochement entre les Hellhounds et Mad alors qu'au fond ; n'était-ce pas une évidence même ? Entre les non-dits, les coups bas, la distance prise, les réponses vagues et l'atmosphère tendue, il aurait dû deviner, Dam. À croire que tout était son nez depuis le début, mais qu'il était trop occupé à se voiler la face pour comprendre réellement ce qui se tramait dans son dos pendant tout ce temps.
— Pas vraiment. Un peu, enfin c’est pas si simple.
Il souffle, la langue contre son palais, et le son sort étrangement de sa bouche comme un sifflement d'un serpent. Un rire jaune qui n'en est pas vraiment un, une exclamation à peine audible d'une contrariété palpable, Dam se contente de détourner le regard pour se mettre à fixer un point inexistant sur le mur face à lui. Sûrement parce qu'il a du mal à regarder Maddox dans les yeux, à présent.
— Je deale pour eux. J’ai pas vraiment eu le choix, et c’est pas le genre de trucs que t’as envie de crier sur tous les toits.
Le pire dans cette histoire, c'est que, venant de Mad, Damian n'est même pas étonné. Ce n'est pas comme si il y avait de la surprise dans ses yeux quand il lui sort ça, non sans une certaine animosité, d'ailleurs, à laquelle il ne réagit pas non plus. Il reste impassible jusque-là, parce qu'à force de retourner la situation dans tous les sens, il commence à saisir le contexte, à comprendre ce qui restait dans le flou jusqu'à aujourd'hui.

Jusque-là, parce que Maddox finit par s'énerver lui aussi, visiblement sur la défensive, menacé quoique certainement conscient qu'il est en tort.
— Et puis merde j’ai pas de compte à t’rendre, qu’est-ce que ça peut te foutre de toute façon ?
— Tu te fous de ma gueule ou quoi ? crache brusquement Dam en se levant du canapé, se tournant pleinement vers lui. Comment ça, "qu'est-ce que ça peut me foutre" ?
Il écarte ses bras, les sourcils haussés, pris d'une indignation qu'il n'arrive plus à cacher, à ce stade. Véritablement révolté par les dires de Maddox, en tout cas.
— Ouais, c'est vrai, qu'est-ce que ça peut me foutre, au fond, hein ? C'est pas comme si t'étais mon meilleur pote, c'est pas comme si j'essayais de sortir ma sœur de cette putain de galère pendant que toi, tu lui vendais sa came, right ?
Le ton ironique et l'air sardonique, Damian attaque comme il peut ; il se protège comme il peut, aussi. Parce qu'au-delà des traits de son visage tirés par la colère, c'est presque une peine indescriptible qu'on pourrait lire dans ses yeux, avant que cette lueur ne disparaisse rapidement quand il plante de nouveau son regard dans celui de Maddox.
— Parce que t'as pas eu le choix de pas m'en parler non plus, c'est ça ? Ouais, allez, laissons Dam dans l'incompréhension alors qu'il demande de l'aide depuis des mois, qu'est-ce qu'on en a à foutre nous !
Ça commence à bouillir dans sa tête alors qu'il se pince l'arête du nez, peut-être dans une tentative désespérée de se calmer, de réfléchir un tant soit peu à la situation, en vain. Il est énervé Damian, d'avoir été mis sur le côté par ceux sur qui il comptait encore il y a des mois de cela, comme s'il n'était qu'un pion inutile et gênant pour leurs conneries. Ouais, il le prend terriblement mal – mais qui ne le ferait pas à sa place, en vérité ?

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Il ne sait même plus comment réagir, à ce stade. Il ne sait plus quoi faire, plus quoi dire, parce que c'est bête à dire, mais malgré les histoires et les mensonges, il le connaît Maddox. Il sait pertinemment que, quoi qu'il dise, ça ne changera rien, qu'il ne fera rien pour arranger la situation – quand bien même il en a l'envie. Et ça, par contre, il doute.
Il est comme ça depuis des années, Maddox, pourquoi il changerait maintenant au juste ? Il est à ça de jeter l'éponge, Damian, de juste partir, de le rayer de sa vie, claquer la porte, ciao, bye, à jamais. Mais là tout de suite, c'est pathétique, il n'en trouve pas la force.
Mais a-t-il vraiment la force de rester planté là devant lui, d'assumer un énième conflit, d'essuyer une amitié comme ça, d'un simple revers de la main ? Qu'est-ce qu'il est censé faire, au juste, Dam ?
— Ouais, et t’aurais fait quoi si je t’avais dit la vérité, si je t’avais dit que ta sœur était défoncée h24 ? Si j’t’avais dit que je faisais partie de ceux qui la fournissait ? Tu m’aurais remercié hein, c’est ça ?
Il a l'air de s'en foutre Mad, et honnêtement ça ne surprend pas Damian. C'est vraiment ça le pire, c'est qu'il s'énerve, il gueule et est à deux doigts de l'attraper pour le secouer dans tous les sens, s'assurer qu'il a bel et bien conscience de ce qu'il est en train de foutre, parce que ce n'est pas sûr que ce soit le cas au vu de sa réaction – mais plus rien ne l'étonne. Il en viendrait à pousser un soupir de fatigue, digne d'un père désarçonné par le comportement ingrat de son propre fils.

— Elle a dix-huit ans ta sœur, il serait temps que t’arrêtes de la voir comme une gamine innocente, elle est loin de l’être.
C'est totalement gratuit, il savait qu'il allait toucher une corde sensible avec autant de facilité en lui disant ça, Maddox ?
— Va te faire foutre, qu'il crache, les traits du visage tirés par la colère.
Peut-être même qu'il lui en aurait collé une s'il n'était pas censé être son pote depuis des années – mais pour une fois il reste stoïque, un semblant de lucidité dans le crâne pour l'empêcher de faire le con.
— Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Que je la regarde foutre son avenir en l'air, les bras ballants, les mains dans les poches ? Peut-être que c'est ce que tu ferais avec Sally, mais moi je suis pas un connard comme toi, Maddox.
Et puis, d'un coup, pensée ultrasonique qui traverse son esprit le temps d'une fraction de seconde ; c'est peut-être parce qu'il n'a pas encore toutes les réponses qu'il ne bouge pas de là, Dam. Qu'il ne lui a pas encore donné la raclée qu'il méritait, ce con de Tokarz.
— Pourquoi t'as commencé à dealer pour eux ? demande-t-il, l'air soudainement froid et distant, tempête hivernale qui tombe sans crier gare. Parce que si c'est juste un problème d'argent c'est que tu te fous vraiment de ma gueule.
Mais ça ne peut pas être que ça, pas vrai ? Il est où, l'épisode manquant dans l'histoire – la pièce maîtresse du puzzle ?