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Nothing's gonna stop me now. @Misha Salenko

◊ ◊ ◊

Tu sais qu’Elijah n’approuverait absolument pas ce que t’es en train de faire – ou peut-être que si, mais qu’il y trouverait forcément un truc à redire, t’en mettrais ta main à couper. Toi-même tu t’en rends compte, qu’au fond, l’idée est naze, voire débile, voire terriblement mauvaise, et pourtant ce n’est pas ça qui te fait faire demi-tour. Toi aussi, y’a bien des choix et des décisions qu’Elijah prend que tu n’approuves pas le moins du monde, mais il finit toujours par suivre son instinct, pas vrai ? Tu peux bien te le permettre, dans ce cas-là. Instinct ou pas instinct, qu’importe ce qui te guide, tu vas pas en démordre de si tôt.
Honnêtement ce ne sont que des excuses que t’essayes de te trouver, Esha, et rien que ça, ça t’énerve. C’est bon, t’as pas besoin de sa bénédiction, à Elijah ; t’en deviendrais pathétique, complètement paradoxale, à prôner ton “je sais me débrouiller toute seule” pour au final attendre sagement l’approbation d’un individu de sexe masculin. Foutaises.

C’est sur cette pensée que tu vides ton esprit, reprends ta concentration, régules ta respiration et accélères la cadence.

Ce n’est pas ton genre de courir au parc, habituellement. Ici y’a que les riches du quartier de l’Est qui viennent faire leur footing, trop apeurés à l’idée de faire leur sport dans les rues crades de Canaryville, certainement. Enfin, tu les remarques facilement en général, avec leur survêtement à la mode qui coûte un bras, leurs baskets beaucoup trop chères pour ce qu’elles sont, leurs gadgets, leur portable dernier cri, leur Airpods dans les oreilles. Ils te font rire, limite, quoiqu’ils te donnent surtout l’envie de leur faire un croche-patte bien placé quand vous vous croisez.
Mais aujourd’hui c’est un peu différent, aujourd’hui, tu veux bien faire une croix sur ces connards et sur les paysages insalubres que t’apprécies plus que la pelouse bien entretenue du square. Aujourd’hui, à cette heure précise, tu sais qu’il y a quelqu’un qui vient courir et tu ne peux pas te faire à la simple idée de laisser passer cette occasion – occasion qu’on te tend presque sur un plateau d’argent, à ce stade.
D’accord, tu ne sais pas vraiment si ça vaut le coup. Peut-être qu’il vient courir, qu’il repartira tout aussi vite, qu’il n’y aura rien d’intéressant à y retenir, si ce n’est de savoir si il est bon athlète ou pas. Mais tu veux en avoir le coeur net, Esha ; ça fait un moment maintenant que tu l’as dans le viseur, cet enfoiré de Salenko. Pas le dernier, ni l’aîné, son cadet, justement. Misha.
Misha que t’as dans le collimateur, Misha qui a l’air d’être la pièce maîtresse de l’engrenage des Hellhounds, désormais ; Misha que tu veux attraper, pour le prestige de la prise, pour la fierté du trophée. Misha que t’es prête à piéger pour soutirer des informations, pour mieux les écraser, pour permettre à Elijah de leur porter le coup de grâce.

C’est au bout de dix minutes de trottinement que tu l’aperçois enfin, entrant dans le parc pour commencer son footing habituel. Tu t’arrêtes un instant pour le suivre du regard alors qu’il prend une allée adjacente à la tienne, puis tu reprends ta course, rythmée et à l’allure tranquille, alors qu’au fond, tu t’efforces de ne pas piquer un sprint pour le rattraper. Il ne faudrait pas qu’il t’aperçoive, qu’il se rende compte qu’un truc cloche malgré la distance que tu gardes entre vous ; t’as la sensation qu’il n’est pas aussi con que ses frangins, Misha, alors tu prends des précautions, sait-on jamais. Mais impatiente que tu es, Esha, c’est plus facile à dire qu’à faire, et t’en viens à calculer le moindre de tes pas avec toute la minutie dont tu peux faire preuve afin de ne pas t’emballer.
C’est ça, la clé. Ne pas s’emballer. Tu pourrais presque devenir espion ou agent secret, à ce niveau, non ?

Tes écouteurs dans les oreilles, quoiqu’en réalité ils ne diffusent aucune musique, faible leurre pour faire croire que t’es dans ton monde, dans ta bulle, loin du bruit, loin d’eux, loin de lui – alors que tu ne le quittes plus des yeux, Misha. Tu le fixes, tu détailles ses épaules et ses omoplates avec une telle concentration que ça te donne des airs de rapace prêt à fondre sur sa proie à tout moment. Peut-être que la métaphore est plus réelle que ce que l’on pourrait croire ; peut-être que c’est une sorte de chasse que tu t’improvises là, Esha.

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Nothing's gonna stop me now. @Misha Salenko

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C’est pas que tu n’es pas bonne espionne, Esha, c’est que là, t’es surtout en train d’apprendre sur le tas. Dans la foule de spectateurs du Mosh Pit, c’est pas si compliqué que ça, il suffit d’un peu d’adrénaline et d’alcool pour que les gens se mettent à parler, discutant de choses insignifiantes mais qui peuvent parfois t’être particulièrement intéressantes. Tu sais que les Hounds ont mis la main sur le sous-sol de l’église, tu ne sais pas trop ce qu’il se passe en coulisse mais tout ce que tu sais, c’est que là-bas aussi, ils ont marqué leur territoire, ces enfoirés de clébards. Alors te faufiler entre les spectateurs, faire mine d’admirer un combat pourri alors qu’en vrai, t’écoutes ce que les trois pèquenauds à côté de toi radottent à propos du quartier et de ces malfrats, ça, tu le fais les doigts dans le nez.
Mais suivre quelqu’un à travers Canaryville, on peut le dire, ça n’a absolument rien à voir. Et d’accord, peut-être – peut-être que tu t’es un peu enflammée pour le coup.
Pourtant, ce n’est pas la première fois que tu l’as dans le viseur, Misha. Ce n’est pas la première fois que tu le suis, que tu le croises, que tu t’invites dans son champ de vision sans qu’il ne te remarque spécialement, pour ton plus grand bonheur. T’attends juste le bon moment pour le choper dans tes filets, voilà tout, c’est une question de patience que t’as pas toujours.
C’est surtout ça, le souci, aussi. T’as peut-être pas le moral pour jouer l’espionne, toi qui ne fais rien dans la dentelle, toi qui fonces dans la gueule du loup sans réfléchir, toi qui ne réfléchis qu’une fois sur trois, et encore, seulement quand ça vous arrange, toi et ta fierté.

Alors l’épier aussi longtemps, sur une aussi longue distance, avec si peu de gens autour de vous, franchement, t’as sous-estimé la difficulté de la mission. Et très honnêtement, Esha, t’étais à ça d’abandonner et de faire demi-tour, parce que jusque-là, il n’a rien fait de vraiment intriguant, rien d’assez alléchant pour que tu te donnes tout ce mal.
Puis il y a eu ce coup de fil. Et puis ce nom, qui a sonné comme une alarme dans ta pauvre tête déjà surchauffée par l’effort physique. Pourquoi il parle de lui ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Qu’est-ce qu’ils sont en train de manigancer, ces connards ?
Tu rumines derrière l’arbre qui te dissimule, déjà beaucoup moins calme qu’il y a quelques minutes. Est-ce qu’ils commencent déjà à vous avoir dans le viseur, ces cons ? Est-ce qu’ils sont moins débiles que ce que tu pensais ? D’accord, d’accord, vous grapillez du terrain, vous vous faites un peu moins discrets, vous devenez peut-être une menace qui sort de l’ombre, mais… bordel.
T’as pas le temps d’y réfléchir pleinement, tu le vois qui s’éloigne déjà quand tu regardes une nouvelle fois par-dessus ton épaule ; alors à ton tour tu te mets en route, de nouveau sur ses talons.

Te voilà engouffrée dans un métro, peu à ton aise, ne cessant de te demander ce que tu fous là quoique, dans un même temps, tu gardes un œil sur Misha, de loin, et ce jusqu’aux usines.
Ici y’a personne, c’est clairement plus compliqué de te fondre dans la masse alors t’essayes de frôler les murs, dans l’ombre, de ces airs de ninja qui te feraient pouffer de rire tant tu trouverais ça absurde si tu te voyais. Mais la concentration et l’adrénaline t’empêchent de penser à autre chose, fort heureusement d’ailleurs, qu’est-ce qu’il se passerait si…
— J’t’ai vu, tu sais.
Oh, bordel. Tu lâches un soupir silencieux alors que tu te redresses, tapie dans l’obscurité, à l’angle d’un hangar. De là où tu te tiens, t’arrives à l’observer et voir qu’il regarde dans ta direction ; sait-il vraiment où tu te trouves ou est-ce juste du bluff ?
— Si tu veux savoir quelque chose, profite, tu te feras moins chier que d’essayer de m’épier comme ça.
Il ne sait pas Misha, lui, mais tu voudrais en savoir des centaines de choses, assez pour que vous sortiez enfin de votre cachette, assez pour les écraser comme il se doit.
Tu restes silencieuse plusieurs secondes, le cœur qui bat la chamade dans ta poitrine, scannant les environs de ton œil de lynx, au moins pour t’assurer qu’à part vous deux, il n’y a personne d’autre. Êtes-vous encore loin du QG, d’ailleurs ?
Mais soudainement, tu perçois du mouvement de son côté et te rends alors compte qu’il est en train de se diriger vers toi – inconsciemment, tu serres les poings, comme prête à lancer les hostilités si il vient réellement te chercher.
— Cool, lances-tu brusquement alors que ta silhouette sort enfin de l’ombre, sur tes gardes. Tu me laisses le temps de prendre un carnet et un stylo, que je puisse avoir de quoi noter ?
Tu croises les bras, puis t’appuies ton épaule contre le mur à tes côtés, le tout d’une allure nonchalante, sans montrer le moindre signe de crainte. Non, il ne te fait pas peur Misha, même si tu viens de te faire choper comme une bleue.
— Dis-moi tout, Misha, déclares-tu en penchant la tête, tout à fait neutre. Qu’est-ce que t’as d’intéressant à me raconter ? Tellement de choses, plus qu’il ne le croit, certainement.

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Nothing's gonna stop me now. @Misha Salenko

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Tu ne sais pas où tu vas, comme ça, Esha, pour ne pas changer. C'est avancer à tâtons dans le noir, tu redoutes alors le moment où tu risques de chuter bêtement sur le sol, quoique t'as déjà trébuché au moment où il t'a repéré. Prise la main dans le sac comme une débutante – au fond, t'es en bel et bien une, de débutante, tu dois bien l'admettre. Ce n'est pas comme si t'étais une ancienne agent secret qui travaillait pour le gouvernement russe, pas vrai ?
T'es pourtant certaine que, dans une autre vie, t'étais une incroyable espionne Esha. Te faufiler comme ça, dans la pénombre, discrétion digne d'une ombre, deuxième nature que de prendre par surprise, ça ne tombe pas du ciel, hein ? Ou peut-être que t'as ça dans le sang, qu'il faut juste de l'entraînement pour ne plus te faire attraper comme une gamine qui vient de faire une bêtise.
— Ok, on va commencer par poser les choses, déjà.
Tu hausses les sourcils, presque exaspérée par le ton qu'il emploie – d'une figure autoritaire, qui essaye de sauver la mise et le peu d'honneur qu'il lui reste. Il ne t'intimide pas du tout comme ça, à vrai dire, il t'amuse plus qu'autre chose.
Puis tu vois qu'il te dévisage, t'observe de la tête aux pieds, comme intrigué, cherchant peut-être à mettre un nom sur ton visage – peut-être que tu lui es plus familière que tu ne le pensais. Se souviendrait-il seulement de toi ? T'en doutes fortement, ça te paraît même invraisemblable qu'il puisse te reconnaître aussi vite.
Parce que toi, toi tu ne l'as pas oublié, Misha.
— Tu me suis depuis combien de temps ? Exactement ?
Tu plisses les yeux, cherchant peut-être à dégoter la moindre faille chez lui qui pourrait tourner la situation encore plus à ton avantage, tu ne sais pas trop.
Ça se voit qu'il n'est pas à son aise. Il n'est pas assuré, ou en tout cas pas autant que certains le seraient à sa place – l'un de ses frères, par exemple pris au pif.
Mais quand même, ça te donne un tel sentiment de puissance, là, en vérité. Une puissance peu négligeable, un retournement de situation particulièrement délectable. T'es pas sadique à ce point, habituellement, pourtant t'y trouves un certain plaisir à le voir aussi peu dans son élément comme ça. Panthère qui se lèche les babines devant son prochain festin.

Alors, comme simple réponse, tu te contentes d'hausser une épaule, histoire de le laisser mariner, de le laisser encore un peu dans le flou.
— C’est quoi, ton nom ? Puis pour qui t’agis, aussi ? Histoire que j’arrive un peu mieux à répondre aux questions de mon espionne visiblement… attitrée.
Il te regarde avec un peu plus de méfiance, t'en lâcherais presque un ricanement mais, comme à l'accoutumée, tu restes totalement silencieuse. OK, tu peux comprendre qu'il demande plus d'explications sur la situation, mais si il croit pouvoir inverser les rôles si facilement, il se met le doigt dans l'œil, cet enfoiré.
— Puis… Il va falloir m’aider un peu, parce que je doute que ce soit mon temps au mille qui t’intéresse vraiment.
Tu esquisses un sourire bref et furtif, tant que tu n'es pas certaine qu'il le voit, comme si il venait de sortir une plaisanterie futile qui n'en est pourtant pas une.
— Pas vraiment, il est plutôt nul d'ailleurs, répliques-tu du tac au tac, quoique cette fois, pas une once d'amusement ne teinte ton visage, à croire que tu commentes avec tout le sérieux du monde ses performances.
L'épaule toujours appuyée contre le mur, tu lèves l'autre avec nonchalance sans cesser de le fixer, épiant le moindre de ses faits et gestes ; clairement sur la défensive sans que tu ne le montres, te préparant à la moindre attaque ou approche de sa part.
— Depuis combien de temps je ne sais pas, j'ai pas compté. Des jours, des semaines, des mois, maybe ? Tu cales une mèche de cheveux rebelle derrière ton oreille, feintant une certaine innocence dans un geste inoffensif. Mon nom c'est pas important, le reste t'as qu'à deviner par toi-même, si t'es aussi intelligent qu'on le dit. C'est pas bien compliqué.
Sourcils haussés, menton légèrement relevé, défi visiblement lancé.
— Je veux juste te connaître un peu plus, voilà tout. Pas besoin de second degré quand tu parles parce que, même si t'en donnes l'air, en vérité tu n'es pas si sarcastique que ça. C'est plus ou moins la vérité, ce que tu dis là. Tes frères aiment jouer à qui a la plus grosse, pas vrai ? Mais toi on t'entend pas beaucoup, Misha, c'est dommage. T'as l'air intéressant, pourtant.
Tu écartes un bras, peut-être pour lui prouver ta bonne foi et ta sincérité quand tu dis ça.
— Je suis juste là pour m'intéresser à toi, tu vois. Tout dans la bienveillance. Tes phrases semblent hachées, impression que tu donnes que tu te forces à parler plus que tu ne voudrais, même si ce ne sont pas la quantité de paroles qui le persuaderont davantage, tu le sais bien. Alors, vas-y, je suis toute ouïe. Raconte-moi tout sur ta gueule d'ange. Ta comédie de bienfaitrice se casse un peu la gueule, maintenant qu'un sourire un peu narquois se dessine sur tes lèvres. Les amours, les amis, et avec tes frères, comment ça se passe ? Numéro digne d'une stalkeuse creepy ; peut-être que c'est ce que tu es réellement, Esha.

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Nothing's gonna stop me now. @Misha Salenko

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La situation prenait un tournant que tu n'avais véritablement pas prévu. Pas même imaginé, ou alors très peu, pas dans les détails, pas au point d'établir un plan B si ça finissait par arriver. Tu ne regrettes pas vraiment, jusque-là, tu penses avoir les moyens pour t'échapper du bourbier dans lequel t'es prête à t'enfoncer, ce n'est pas maintenant que tu risques de reculer, en tout cas.
Mais il est tenace, Misha. Tu sais que tu n'as pas choisi la cible la plus facile – t'aurais très bien pu piéger le petit dernier d'un claquement de doigts, sans que cela ne te coûte grand chose. Sauf que y'a le goût du risque, derrière, Esha, pas vrai ? Y'a le goût du challenge, même si tu ne le montres jamais, même si tu laisses croire que t'es assez sage pour être au-dessus de ça. Relever un défi de temps en temps, il n'y a rien de mal à ça, right ?
Sauf quand le défi en question est l'un des plus gros poissons des Hellhounds, soit. Tu veux bien le concevoir.
— Tu n’as qu’à te renseigner auprès d’Elijah.
T'expires bruyamment, comme un rire jaune qui s'échappe de tes narines. Il a fini par percuter, Misha – il a mis plus de temps que prévu, tout de même, non ? Loin de toi l'idée d'être mesquine, mais tu commencerais presque à croire qu'il est rouillé, le Salenko.
Il est touché dans son ego aussi, le Salenko, alors ses remarques se font sèches et directes, de quoi tenir la distance, de quoi te tenir assez à l'écart. Pas sûr que cela fonctionne, car pour l'instant, t'as aucunement l'intention de bouger.
— Peut-être que si tu ne m’entends pas tant sur ma vie, sur ce que je fais, c’est qu’il y a une bonne raison, non ? te demande-t-il, alors qu'il s'appuie à son tour contre un mur, imitant ta position à plusieurs mètres de toi. Peut-être que c’est parce que j’aime pas en parler, tu vois. Tu peux le noter, ça : que je n’aime pas parler de moi, m’étaler sur ma vie, et raconter au premier qui passe comment je vis.
Tu roules des yeux, à peine discrète. Drama queen, c'est surtout ça, que tu retiens.
— Je n’aime pas les imprévus. Et c’est dommage, parce que jusque-là, je n’avais rien contre toi.
Est-ce une menace ? Tu tiques un peu, sur le coup, alors que tu fronces les sourcils en défiant son regard.

— Ça doit être jouissif, n’est-ce pas ? D’avoir l’impression de défier les lois, de renverser un système établi depuis trop… longtemps à votre goût. Une organisation qui s’est un peu… empâtée, avec les années, déclare-t-il alors que tu l'observes minutieusement, comme prête à réagir au moindre geste suspect. Je comptais régler cette petite guerre de trottoir entre les Strays et les Hounds, mais je ne savais pas encore comment m’y prendre… Puisque tu es là, peut-être que tu pourrais te charger de faire passer le message ? A moins que tu ne préfères que je t’aide à le faire auprès d’Elijah ?
— Je ne pensais pas que tu avais tant besoin d'un psy, siffles-tu, terriblement méfiante, désormais, cessant enfin ton jeu de vipère narquoise qui ne te sied pas tant que ça, finalement. Ou d'un cours de théâtre.
Tu te redresses, te décollant de ton mur avec une certaine lassitude – mais tu n'avances pas, toujours figée à la même place, les bras croisés sur ta poitrine alors que tu ne quittes pas Misha des yeux.
— Bien sûr, que tu n'avais rien contre moi. Tu préférais peut-être quand j'étais une clocharde qui ne faisait pas de vague, right ? craches-tu, pleine d'animosité.
Soit, facile. Méritée, mais facile.
— C'est drôle que tu parles d'Elijah, ceci dit, parce que j'aimerais bien savoir pourquoi tu parlais de lui au téléphone avec tes petits collègues. Tu plisses les yeux, le dévisageant de loin, à l'affût de n'importe quelle émotion qui pourrait passer dans son regard. Tu parles d'une "petite guerre de trottoirs" mais vous avez l'air plus alarmés, d'un coup, non ? Pour vous intéresser à lui comme ça.
Tu hausses les épaules. Sa réponse ne t'intéresse pas tant que ça, question rhétorique avancée par des preuves irréfutables. Ceci dit, si, tu aimerais quand même savoir pourquoi le nom d'Elijah est sorti dans la conversation – et tu t'efforces de ne pas imaginer la réaction de ce dernier si il venait à apprendre... tout ce qui est en train de se passer, entre autres.
Tu le vois de tes propres yeux, tu l'entends nettement, désormais : les Hounds commencent à s'agiter, à répéter votre nom, et là de suite, tu ne sais pas si tu dois être ravie ou inquiète.
— Ne te fatigue pas à essayer de me menacer, ça ne marchera pas avec moi. Et puis, il est un peu trop tard pour faire passer des messages, tu ne crois pas ?
Est-ce qu'il saisit réellement la situation, Misha ? Ou est-ce qu'il se moque de toi ? Est-ce qu'il considère enfin la gravité de cette soit-disant "petite guerre" ? Ça t'agace, t'en contractes la mâchoire à en faire grincer tes dents.
— Tu sais toi-même qu'il n'écoutera pas, qu'importe ce que vous avez à lui dire. Ton ton est froid, si ce n'est même glaçant – inébranlable. On ne vous écoutera pas.
Acerbe tu l'es sans doute, et ce n'est pas totalement une menace que tu lui fais là. Plutôt une mise en garde – de quoi le piquer à vif.
— Y'a rien de jouissif, c'est juste de la logique. Tu ne peux pas me blâmer d'essayer de prendre de l'avance sur vous quand vous faites pareil avec nous. Tu te voiles la face, si tu appelles ça "une petite guerre", Misha.

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