suckerpunch (dakota)

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Il ne se bat pas, ce soir, il est juste là pour le spectacle, l’aspect social de la chose. Il est là pour discuter, pour boire quelques bières, tirer sur un joint, rire et commenter les combats, entouré de gens qu’il connaît depuis qu’il est adolescent. Ce n’est pas l’endroit le plus reluisant, mais le Mosh Pit, c’est presque une deuxième maison, c’est un repère, c’est une constante. Il ne dirait pas qu’il s’y sent bien, mais au moins il y est à l’aise, il y connaît sa place, il sait comment ça fonctionne et lui qui a bien souvent l’impression de ne pas être assez, de ne pas savoir quoi dire, quoi faire, lui qui feint son assurance pour ne pas se faire bouffer tout cru, ça le repose que d’être dans un lieu, aussi miteux soit-il, où les codes et les couleurs ne changent pas, où il sait exactement quoi faire pour montrer ce qu’il vaut.

Il en a passé du temps ici, à faire ses preuves. Il est encore considéré comme un underdog, celui qu’on ne voit pas venir mais il s’en cogne et ça lui va bien, au fond, parce que ça veut dire qu’il peut surprendre les gens, qu’il n’est pas condamné à l’image qu’il renvoie, qu’il peut vaincre le sort… Il en est à sa troisième bière, sur un estomac vide, et il va sûrement chercher beaucoup trop loin, surtout.

Yancey se fait tirer de ses pensées par une altercation qui éclate. Ce n’est pas inhabituel même si en général, les gens règlent leurs différents au milieu du cercle de combat, les alentours étant réservés aux parieurs et aux spectateurs. Ca ne gueule pas encore assez pour qu’il s’y intéresse franchement mais bientôt, une voix féminine se fait entendre, hurlant des profanités tandis que de concert, quelqu’un répond « AH SA MERE, j'suis sûr elle m’a pété le nez cette garce ! » Il ne lui en faut pas beaucoup plus pour relever la tête, pour se redresser, profitant de sa taille pour surplomber la foule et voir ce qu’il se trame à l’autre bout de la cave mal éclairée. Immanquablement, une furie brune est en train de s’acharner sur un gars qui ne répond qu’en l’insultant et déjà, les gens s’éloignent, n’ayant probablement pas envie de se prendre un coup perdu. Yancey, lui, il soupire et manque de se frapper le front. D’une traite, il termine sa bière et s’engage en direction de la baston non-organisée. C’est bien joli de laisser Dakota l’infernale se défouler sur un mec assez fou pour la provoquer mais il ne faudrait pas que ça aille trop loin et puis même, il ne peut pas s’empêcher d’avoir un peu pitié pour le gars. Certes, il l’a probablement cherché mais personne ne mérite de se heurter de la sorte à pareille énergie, que ce soit pour une main au cul, un regard de travers, une remarque sur le fait qu’elle n’a pas sa place ici bas, parce que même si le Mosh Pit est fort de sa diversité, il y a des cons réac et sexistes partout. Se fendant un chemin parmi les badauds qui regardent sans agir, le cuisto arrive au niveau des deux qui se donnent en spectacle. « Oï, Flemming, va prendre l’air ! » lance-t-il, la connaissant assez pour se permettre de lui donner un ordre et espérant qu’elle l’écoute avant de réellement se mettre à le rouer de coups, il n’a pas spécialement envie de devoir l’attraper par la taille pour la faire sortir des sous-sols de l’église. Avec un peu de chance, elle va l’écouter… avec un peu de chance, l’enfer va geler, aussi.

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Le conseil n’en est pas vraiment un, c’est un ordre qu’il n’a aucun droit de donner mais qu’il vocifère quand même, parce que ça fait assez longtemps qu’il tourne au Mosh Pit pour se sentir chez lui et donner son avis, sans gêne. Évidemment, ça ne passe, il aurait pu s’en douter, le voir venir. Depuis quand donner des ordres à Dakota est une bonne idée ? Il se bouffe aussitôt un regard sombre et lorsqu’elle balance : « Va te faire foutre Burkhart. Va bien te faire foutre. » il n’est même pas vraiment surpris de la voir cracher au sol. Question de caractère et du caractère, Dakota en a à revendre, c’en est même épuisant parfois, quand bien même la plupart du temps, Yancey n’a pas à s’en plaindre parce que ça ne lui tombe pas sur le coin du nez. C’est toujours pour la gueule de quelqu’un d’autre, comme le con qui a du sacrément la provoquer pour la foutre dans un état pareil et lorsque ce dernier ajoute: « Ouaais, écoute donc ton mec pauvre conne avant que j't'apprenne la vie ! J'tape pas sur les gonzesses d'habitude, mais pour une latino comme toi j'peux bien faire une exception ! » Yancey trouve une certaine légitimité à l’éclat de la brune.

Il grimace et serre les dents, laissant filer un petit bruit, de ceux qui signifient qu’on sent venir le carnage. Il secoue doucement la tête, conscient de la tempête qui est sur le point de s’abattre sur le pauvre malheureux qui certes, mériterait probablement la raclée qui s’annonce mais ne sait pas avec quel genre de flamme il est en train de jouer. « Dude… » siffle Yancey en direction du type, parce qu’il a beau pas être le mec le plus woke au monde, il a assez de bon sens pour savoir que les commentaires du genre, les sous-entendus de ce calibre, c’est tout sauf une bonne idée. Qu’il pense une fille capable ou non de se battre, il doit bien voir la furie qui anime Flemming, non ? Qui pose son regard sur une jeune femme énervée, clairement dotée d’un sacré tempérament et décide de ne pas y aller avec le dos de la cuillère niveau subtilité, ramenant dans le lot une histoire de race. This Is America. Il soupire, oubliant toute possibilité d’une soirée tranquille, c’est évident que ça va dégénérer maintenant.

Il capte le regard de Dakota, y voit mille brasiers, assez de hargne pour incendier la ville entière et il fronce les sourcils, parce qu’il y a une certaine urgence dans la situation. Il ne connaît que trop bien les lieux pour savoir que tout peu partir en vrille à une vitesse affolante. Peut-être devrait-il la laisser s’acharner sur le gars, après tout il l’a sans doute bien cherché, bien mérité, pas volé. Il n’a aucun doute quant au fait qu’elle peut avoir le dessus, en plus, parce que déjà en temps normal, elle est redoutable mais lorsque s’ajoute une folie vengeresse… Il ne donne pas cher de l’opposant, en fait. « Non mais laisse la faire, elle veut se faire remettre à sa place, elles ont besoin de ça les meufs dans son genre » continue le connard et définitivement, il ne tient pas à la vie parce qu’il ajoute : « Quoi, t’as peur de te faire déportée si tu m’touches ? » pour provoquer Dakota encore d’avantage, comme si c’était nécessaire. C’est peut-être pour ça qu’il décide de s’approcher d’avantage, Yancey, n’écoutant pas sa logique, n’écoutant pas le semblant de prudence qu’il lui reste. Yancey ferait sans doute mieux de reculer et de la laisser se défouler mais voilà, il approche, s’interpose, sentant venir les plans foireux et les idées dangereuses. « Recule » siffle-t-il à Dakota, prêt à aller au combat avec elle s’il le faut, front contre front comme deux béliers fonçant dans le tas. Un bout de lui sait qu’il devrait plutôt se foutre à ses côtés mais il est quand même dans l’opposition, refusant de la laisser vriller. « Soit tu t’casses toute seule soit j’te soulève et j’te sors en te trimbalant sur mon épaule » marmonne-t-il, menaçant et sérieux, une vague appréhension l’habitant quand même, des fois qu’elle décide de passer ses nerfs sur lui à la place. « Il mérite d’avaler ses dents mais faut qu’tu choisisses tes batailles, Flemming » ajoute-t-il, plus doucement, un peu plus bienveillant. « J’compte pas perdre mon temps à venir te voir en taule parce que t’as tué un sale con » lance-t-il « J’ai pas non plus l’intention de devoir me prendre la tête Freyja parce que tu t’es faite bannir d’ici pour avoir cassé la gueule d’un spectateur » ajoute-t-il. Il ne la touche pas, en dehors de son front, il ne pose pas ses mains sur elle, il n’est pas en train de l’éloigner de la scène, priant le supposé dieu dont ils empruntent la cave pour se foutre sur le nez afin que la situation se résolve d’elle-même. Il doute, pourtant, parce que Dakota est trop têtue, elle ne voudra pas lâcher l’affaire et il en est convaincu.

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Elle ferme les yeux une seconde et pendant un bref instant, un sursaut de naïveté le laisse à penser qu’elle va l’écouter. C’est mal connaître l’animal, ceci dit et un petit bout de Yancey guette le retour de manivelle. Dakota n’aime pas qu’on lui dise quoi faire, elle n’écoute personne et donne souvent cette impression de ne pas avoir besoin d’aide alors écouter son avis à lui, surtout quand il ne va pas dans son sens, bonne chance. « Bien sûr. Yancey, el famoso, underdog du Pit, voudrait pas se faire mal voir des patrons. Depuis quand tu te la joues raisonnable Burkhart ? » demande-t-elle et son ton, ses mots, le cynisme désabusé derrière les commentaires trahissent le fait qu’il avait raison de se méfier. Elle n’a pas tout à fait tort, ceci dit et planté là comme un con, front contre font à jouer le dernier rempart entre un bélier décidé et un carnage inévitable, il se demande pourquoi il tente de calmer le jeu. Certes, il y a bien l’excuse un peu bancal des répercussions mais les autorités ne viennent pas ici, c’est une zone de non-droit qui se gère de façon autonome et ce sont les codes du Mosh Pit qui régissent le comportement de ses membres, pas les lois du commun des mortels. Alors pourquoi, d’un coup, jouer la voix de la raison, le calme sur lequel il faut se calquer. Ce n’est pas son genre, ça ne l’a jamais été, ils le savent tous les deux. De la même façon qu’au fond, lui sait très bien qu’elle ne peut pas courber l’échine, pas maintenant, pas quand elle a été provoquée de la sorte. Elle lui flanque un coup et ça semble marteler un peu de réalité, un peu de recul. Il a beau penser que ce n’est pas si grave, que c’est le pain quotidien du Mosh Pit, ce genre de trash talk, il n’a pas moindre idée de ce qu’est que d’être dans les pompes de Dakota et il devrait avoir un peu honte qu’elle ait besoin de le lui rappeler. « J'peux pas. C'est comme ça. Et ça te va pas ce rôle-là. Mais j’comprends. Toi t’es ici chez toi. » lance-t-elle et il manque de répliquer qu’elle se plante, qu’elle est à sa place ici, autant que lui, mais le fait que les commentaires du type sonneront toujours plus fort que tout ce qu’il pourra lui dire. « Alors tire-toi Yan. Reste en dehors de tout ça. » ajoute-t-elle et tandis que l’autre abruti commente : « Alors poulette, il t’a calmé ? Tu t’sens mieux ? Ou t’as ptêtre besoin d’un p’tit coup vite fait dans les chiottes pour te détendre, racaille ? » il observe la petite brune reculer et darder sur lui un regard trop calme, trop serein. Trop plein d’un certain jugement, aussi.

Il a envie de la secouer, de lui dire d’arrêter de dramatiser mais voilà, c’est trop tard pour ça et le type mérite tous les coups qui se préparent dans les poings redoutables de Dakota. Pire que ça, Yancey réalise doucement qu’en lui disant de se barrer, elle l’ajoute à la liste des gens dont elle n’a pas besoin et que jusqu’alors, elle estimait sans doute pouvoir compter sur lui. Brièvement, il regarde le sol, pas fier mais lorsqu’elle commente finalement : « Ou alors viens essayer de me sortir Burkhart. Mais ce sera douloureux pour nous deux. » avant d’arguer un « Choisis ton camp hermano, mais fais-le vite. » très théâtral, il ne peut s’empêcher de lui servir un rictus exaspéré.

Il se retrouve le cul entre deux chaises, quelque part entre une envie de bien faire afin d’éviter qu’elle s’attire des ennuis et un besoin de la soutenir parce qu’au fond, merde, ils sont potes depuis trop longtemps pour qu’il puisse simplement tourner les talons. Si elle veut se foutre dans le pétrin, si elle refuse de l’écouter, alors il faut sans doute qu’il soit à côté d’elle pour faire la connerie en même temps, question de solidarité, question de loyauté. Et loyal, il l’est, Yancey, le genre de pote qui se fait arrêter en même temps qu’un copain délinquant au lieu de prendre ses jambes à son cou en voyant les gyrophares de la voiture de flics. « Tu fais chier hein » soupire-t-il mais avant qu’il puisse prendre une décision quant à ce qu’il est supposé faire, l’autre abruti décide qu’il n’a pas fait un trou assez grand pour sa propre tombe, rebondissant sur les propos de Yancey. Venimeux, l’enflure s’adresse à la jeune femme, plein d’un dédain véhément, de cet orgueil mal placé et puant qui caractérise les types comme lui. La douleur qu’il doit ressentir au niveau de son visage, là où elle l’a frappé quelques instants plus tôt, n’aide sûrement pas à sa lucidité. « Même ton mec il te le dit, que t’es qu’une chieuse, tu dois être sacrément bonne à quatre pattes pour qu’il te supporte… » balance-t-il d’un air crasse, pas peu fier de sa punchline. « Putain mec arrête de t’enfoncer, j’vais plus rien pouvoir faire pour toi » rétorque Yancey, tiquant aussitôt sur ses propres mots et sur le fait qu’il ne devrait même pas être en train d’essayer d’arranger les choses. Ce type, il ne le connaît que de vue contrairement à Dakota, qui est là, dans son paysage, depuis des années. « Quoi, t’as un problème avec la vérité ? Elles sont bonnes qu’à ça les meufs comme ça, à s’faire prendre comme des chiennes, ça les détend, ça les laisse à leur place... » décide-t-il pourtant de continuer, malgré les mises en garde, malgré les signes laissant à penser que c’est tout sauf une bonne idée. Comme signe supplémentaire de sa débilité et du fait qu’il est incapable de lire la situation pour ce qu’elle est, le mec crache en direction des deux jeunes gens, énième provocation. Alors qu’un postillon arrive sur Yancey, celui-ci vient essuyer sa pommette d’un revers de main et un déclic se produit alors qu’il jette un regard à Dakota.

S’il la laisse faire sans intervenir, elle va le buter, il en est intimement convaincu. Qu’il estime ou non devoir être à ses côtés, devoir l’assister, ce n’est pas le problème. Le fait est que même si le type mérite de se prendre un ouragan de violence dans la gueule, Dakota vaut mieux que ça. Pourtant, il peut la comprendre. Il n’y a pas si longtemps, il était en train de démonter un sans abris et sans Ella pour l’arrêter, il aurait sûrement tué le junkie et abandonné son corps dans une ruelle, tout ça pour quelques menaces, quelques mots de travers, un couteau tenu par un mec désespéré. Si Yancey a le droit de fracasser un clochard qui cherche juste à survivre, peut-il reprocher à Dakota de vouloir éclater un raciste, un sexiste, un connard aux mots dégueulasses et à l’attitude malaisante ? Une fois de plus, il soupire, résigné et il se rapproche de la jeune femme. Au fond du Mosh Pit, entre les gens qui observent et ceux qui encouragent, entre ceux qui ricanent et ceux qui veulent juste un spectacle, il a l’impression que le temps s’est arrêté. Pourtant, il jette un regard en direction de l’horloge sommairement accrochée au mur de la cave et il tend une main pour attraper le poignet de la jeune femme.

Sans grande cérémonie il l’attire vers lui afin qu’elle l’entende et il siffle tout bas, dans le brouhaha : « Okay, go, t’as cinq minutes, tu te défoules, j’te le tiens, mais ensuite j’le sors d’ici et t’as pas intérêt à lui partir après, okay ? » parce que ça ressemble à un compromis, parce que ça lui permet de s’en sortir sans perdre la face, pas vrai ? Parce que c’est une façon de la soutenir et que c’est une preuve de solidarité, right ?  Il lâche la jeune femme et fait mine de se désintéresser de la situation, indolent, s’éloignant un peu pour revenir plus vite après avoir fait volte-face. Il choppe l’autre con par la nuque, bloquant partiellement ses bras et le présentant à Dakota. cinq minutes, pas plus, il a l’intention de compter, hors de question qu’elle aille trop loin, pas sous sa garde, pas s’il peut l’empêcher de s’égarer. « J’te tiens juste pour pas que tu manques de courage, mec, mais t’as rien à craindre, pas vrai ? C’est juste une nana après tout... » lance-t-il à l’intention de l’idiot, décomptant déjà le temps qu’il reste à la jeune femme pour régler ses comptes.

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Ce plan, même un peu bancal, doit lui convenir parce que Yancey s’est à peine saisi du gars pour éviter qu’il ne se défile que Dakota est déjà en train d’abandonner sa veste, laissant le vêtement glisser au sol pour assurer une mobilité complète de ses bras. Il ne faut pas longtemps pour qu’elle  fasse comprendre qu’elle n’a besoin de personne, cependant, déjà occupée à haranguer sa future victime. « Tu peux le lâcher Burkhart. Monsieur a du public ce soir, et je suis sûre qu'il va leur en donner pour leur argent, pas vrai sucio cerdo ? » lance-t-elle et de justesse, il se retient de lui balancer qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut, à réclamer son aide, son soutien, pour ensuite dire qu’elle peut se débrouiller. Il sait très bien que ce qu’elle cherche réellement, c’est un appui moral, elle n’a aucunement besoin d’une paire de poings supplémentaire pour régler ses histoires. Alors Yancey laisse filer le type, ne s’éloignant pas trop pour autant mais le lâchant, rendant le combat un peu plus équitable par la même occasion. Quoi que. Le pauvre idiot ne sait clairement pas à quoi s’attendre et pourtant elle lui a montré de quel bois elle se chauffait et le sang maculant déjà son t-shirt aurait dû suffire à le décourager… à croire que les gens sont plus bêtes, plus masochistes que ce que Yancey aurait pu deviner. Ceci dit, ils sont dans les entrailles d’une église, à se cogner dessus pour faire passer le temps et distraire les badauds, alors il ne peut pas vraiment faire de remarque, pas vrai ? « Une hispano comme toi je la laisserai même pas nettoyer mes chiottes alors t'approche p...Ouch ! » Ca doit être dans la nature humaine de chercher la merde face à l’adversité parce qu’encore et toujours, il continue de s’enfoncer au lieu de profiter du bref instant de répit pour prendre ses jambes à son cou et se précipiter vers les escaliers afin de déguerpir comme un lapin fuyant fasse au chasseur. Il est un peu coincé, c’est sans doute pour ça qu’il ne file pas et s’il n’est plus tenu par un combattant régulier du Mosh Pit, il est acculé entre son orgueil et sa bêtise… Et déjà en train de se faire rouer de coup par une jeune femme déchaînée, parce qu’il ne faut pas longtemps à Dakota pour s’emporter encore d’avantage.


Elle est déjà du genre à partir au quart de tour en temps normal mais proprement provoquée, elle devient furie furieuse, dangereuse. C’est peut-être pour ça qu’ils s’entendent, parce qu’ils ont ça en commun, cette tendance à partir en vrille pour un regard de travers, un commentaire déplacé. Si Yancey a essayé de jouer la voix de la raison un peu plus tôt, il n’est pas moins coupable des mêmes travers. De toute façon, le mec l’a mérité. Chaque coup, chaque contact bien placé, il ne les a pas volé. Il tente de rester droit, tente de rester digne… Et puis ça et là, il s’amuse à balancer des injures histoire de garder la face. Dans d’autres circonstances, Yancey aurait pu saluer sa ténacité, ce soir il a juste envie de lui dire de fermer sa gueule alors qu’un énième commentaire raciste lui échappe, volant dans le cercle improvisé autour duquel se pressent des réguliers du Mosh Pit, contents d’avoir un combat de plus ce soir mais râlant de ne pas avoir pu parier dessus.


Plus ça va, plus les coups semblent gagner en amplitude, en intensité. Plus ça va, moins la colère de Dakota semble passer. Ce type est allé trop loin mais la brune finira sans doute par le regretter. Conscient de sa bêtise, Yancey décide d’intervenir, de s’interposer avant qu’il ne soit trop tard. Attrapant d’abord la veste de la jeune femme, il s’approche ensuite d’elle et évitant de justesse un coup de poing bien lancé, il attrape son bras pour la tirer en arrière. « Yep, okay, c’est bon, calmos, tes cinq minutes sont terminées » siffle-t-il, pas certain que ça soit la vérité mais s’en foutant un peu. « Changement de plan, tu viens avec moi, Flemming » annonce-t-il, déjà en train de l’entraîner vers les marches menant hors du Mosh Pit. Elle est loin, l’idée de prendre le mec par le col pour le jeter dehors sans cérémonie, mais à la seconde où les coups arrêtent de pleuvoir, il s’écroule à moitié, finissant à genoux sur le sol crasseux de la cave. De son côté, Yancey se débat avec la tempête humaine et ce n’est pas parce qu’elle est plus petite que lui qu’elle ne lui donne pas de fil à retordre. Tant bien que mal, il arrive à l’extirper du sous-sol de l’église, la lâchant sans délicatesse avec un rappel à l’ordre : « Hey, évite de m’arracher un œil avant de voir ce que j’ai à proposer. » Le ton est vaguement agacé, il faut dire qu’elle a réussi à lui en coller quelques unes dans la manœuvre. Il reste, pourtant, ne referme pas la porte, ne l’abandonne pas sur le parking, ne la congédie pas de l’organisation clandestine. « Laisse le lécher ses plaies et penser qu’il a le dernier mot » siffle-t-il à la place, sur ses gardes, prêt à la rattraper s’il réalise qu’elle veut y retourner. D’un geste qui se veut nonchalant, il pointe en direction d’une voiture, le genre de bagnole qu’ont les mecs qui veulent se la péter même s’ils habitent dans un taudis. A Canaryville, l’emblème Mercedes ne trompe personne, pas même les dégénérés qui viennent se heurter au Mosh Pit. « Sa caisse, c’est celle-là, j’dis ça, j’dis rien » lance-t-il, déjà en train de fouiller dans ses poches. Il ne pensait pas finir la soirée comme ça mais tant pis, à quoi bon lutter. « J’ai un serre-écrou dans le coffre » annonce-t-il le plus naturellement du monde, trouvant finalement les clés de sa propre voiture et les jetant en direction de Dakota. Si passer quelqu’un à tabac est un crime, détruire son véhicule n’est qu’un délit, alors il se dit que c’est plus safe, tout en étant relativement efficace. Les mecs comme ça ont tendance à ranger leur égo dans la boite à gants alors après avoir été ridiculisé dans cette cave bondée, voir sa caisse abîmée risque de l’achever.

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Dakota attrape les clés au vol, trop sur la défensive pour ne pas être attentive, pour que ses réflexes lui fasse défaut. Alors qu'elle prend en considération les informations qu'il vient de lui fournir, lui l'observe en silence, fouillant dans ses poches à la recherche d'un paquet de clopes, d'un briquet. « Pourquoi tu fais ça Yan’ ? » demande-t-elle et il la connaît suffisamment pour déceler une once de reconnaissance. Pas assez pour qu'elle s'écorche les lèvres et le remercie de lui éviter des ennuis très sérieux, pas assez pour qu'elle daigne dire qu'il a raison, pas assez pour qu'elle admette qu'il a bien fait mais la connaissant, connaissant son tempérament, sa fougue et cette foutue fierté qu'elle porte comme un étendard annonçant au monde qui elle est, Yancey sait qu'il peut déjà s'estimer heureux.

L'offre ne reste pas en suspend bien longtemps, déjà elle est plantée à côté de l'El Camino, cherchant le serre-écrou et revenant sur ses pas pour aller vers la voiture de l'enflure l'ayant agressé, agacé, provoqué. Pareil, elle n'hésite pas beaucoup avant de frapper, un coup haineux accompagné d'un cri véhément, plein de cette hargne amené par les événements de la soirée. Lui, il l'observe d'un œil d'abord, tandis qu'il allume sa cigarette puis se met à la surveiller plus activement en tirant sur sa sèche. Il y a quelque chose d'électrique dans l'énergie qui se dégage de la jeune femme tandis qu'elle bousille le véhicule, s'attaquant au rétroviseur, transformant ça en un monticule de plastique et de verre. Contre Dakota, la voiture ne fait pas le poids et s'il se dit qu'elle a de quoi s'occuper pendant cinq minutes, il tire une latte en se disant qu'il n'est pas à l'abri de la voir filer vers les entrailles du Mosh Pit, cette fois armée d'un objet contondant, cette fois déterminée à en finir. Lorsqu'elle ajoute « S’il est pas mort, c’est grâce à toi. J’imagine que j’t’en dois une, mais ça aurait fait une ordure de moins sur cette terre. » il se dit même qu'il n'est pas tout à fait parano, à rester sur ses gardes, prêt à la rattraper pour l'empêcher d'aller trop loin. Pourtant, il ne la blâme pas. A vrai dire, il est même plutôt d'accord. Il manque un peu de patience en ce moment, il comprend tout à fait qu'elle pète les plombs parce qu'il se retrouve bien trop souvent dans un état similaire. « T’as pas idée de c’que c’est de supporter ce genre d’enfoiré à longueur de temps. Ces mecs-là n’apprennent jamais, ne changeront jamais. Parfois il faut juste faire un exemple pour tous les autres. » Il a l'impression de savoir, pourtant, parce qu'il n'est pas exactement un modèle d'intégration sociétale, parce qu'il est trop souvent en train de mener des batailles qui n'ont du sens que pour lui pour qu'ils ne soient pas dans le même panier, pour qu'il ne comprenne pas vraiment. Au fond, il n'est pas bête, il sait bien. La différence en eux, c'est que lui on ne l'emmerde pas pour son genre ou ses origines, juste parce qu'il est con, parce qu'il cherche la merde, parce qu'il ne sait pas s'empêcher de remuer le couteau dans la plaie quand il voit une situation propice à ça. C'est plus fort que lui, pendant une seconde il imagine Ella dans une situation similaire à celle de la jeune femme qui, présentement, s'attaque au second rétroviseur. Si on s'en prend à Dakota juste parce que c'est une fille, une latina de surcroît, il n'y aurait rien d'étonnant au fait que ça arrive aussi à Graziella. Il soupire, tire à nouveau sur sa cigarette, quelque part entre l'agacement et une résignation blasée. Il paraît que le président qui a libéré la parole des gens mais dans un quartier comme Canaryville, on voit à peine la différence, ça a toujours été comme ça.

Au fond c'est donc compréhensible, de la voir s'emporter comme ça. Il ne sait pas, non, elle a raison et puis elle a raison de se défendre. Il la regarde alors qu'elle passe ses nerfs sur le pare-brise, réduisant en miette cette vitre qui ne fait absolument pas le poids face à la barre métallique. Peut-être qu'il aurait dû la laisser dans le Mosh Pit... Non, peu importe ce qu'elle peut subir, finir en taule ça en vaut pas la peine, ça il en reste convaincu, il n'a pas envie de venir lui rentre visite en prison et avec son tempérament, elle retournerait l'établissement pénitentiaire, écopant de sentences supplémentaires pour mauvaise conduite. « Tu veux en être ou tu préfères couvrir tes arrières en cas de problème ? » lance-t-elle, nouvelle provocation. Cette fois elle lui arrache un sourire et il lève les yeux au ciel. Au lieu de l'envoyer promener, ceci dit, au lieu de dire qu'il n'a pas besoin de passer ses nerfs sur le tas de ferraille, lui... Il hoche la tête. Question de soutien. Question de solidarité. Il s'en veut peut-être un peu de ne pas avoir réagit assez vite, dans le sous-sol de l'église dressée derrière eux. Si Dieu existe, Yancey se demande qui il juge, entre le connard raciste et les deux vandales.

Au lieu de se débarrasser de sa clope dans les graviers du parking, il vient jeter le mégot dans le trou béant laissé par les coups de Dakota. Si la fraise encore incandescente n'est clairement pas assez pour foutre le feu au véhicule, assurément ça laissera un trou dans le siège sur lequel le reste de cigarette vient d'atterrir. Sans autre forme de procès, il attrape le serre-écrou tenu par la jeune femme et assène quelques coups, éclatant la vitre côté conducteur avant de se pencher pour flanquer un coup dans la console centrale, bousillant le système de navigation et la stéréo de la caisse. Il s'apprête à reculer pour lui rendre l'arme de fortune quand une lumière accroche son regard. Alors il se redresse un peu, regarde dans le rétroviseur central, celui qu'elle n'a pas endommagé et une image un peu trop familière s'impose. Rouges et bleues, les lumières sont rouges et bleues et elles semblent tournoyer, se rapprocher. Bientôt, dans le brouhaha de la ville et du reste de circulation, elles sont même accompagnées d'une sirène stridente. Yancey recule cette fois correctement mais clairement pas assez, il se cogne l'arrière du crâne sur l'armature métallique de la portière, lâchant un sale juron et portant une main au niveau du point d'impact. Pourtant, il retrouve vite ses esprits, ne laissant pas Dakota récupérer le serre-écrou, allant plutôt chopper les clés de l'El Camino qu'elle a toujours.


« On s'casse » siffle-t-il, peu cérémonieux et quand elle ne réagit pas dans la seconde, il n'est pas certain qu'elle ait remarqué qu'ils n'allaient pas tarder à avoir de la compagnie. « Allez, on traine pas, y'a les flics, on bouge » ajoute-t-il, conscient de lui parler comme à une gosse, avec les encouragements répétés. Le ton est mielleux mais pressé, plein d'un sarcasme piquant et il maintient l'ambiance lorsqu'il rajoute sans pincette : « Flemming j't'ai porté jusqu'ici, si j'dois te porter jusqu'à la voiture je le fais. » Il ne plaisante pas, elle le sait, avec un peu de chance les flics sont là pour fermer un bar trop bruyant dans les parages ou simplement pour couper à travers les voitures afin d'aller plus vite chercher du café et des donuts, de quoi tenir la nuit, de quoi rester éveillés pendant toute leur garde mais il ne veut pas prendre de risque, pas quand ils ont tous les deux des éclats de verre sur la peau, pas quand un mec passé à tabac à la déloyale risque d’émerger du Mosh Pit, hurlant à l'agression. Il ne faut pas longtemps pour qu'il soit dans sa caisse, qu'il sorte de sa place de parking en faisant crisser les pneus, qu'il se penche vers le siège passager pour ouvrir la portière, essayant d'inciter Dakota à se magner. « Entre c'que ça va lui coûter chez le médecin et chez le garagiste, t'as ta vengeance, maintenant bouge » lance-t-il, dans l'urgence, gueulant pour couvrir la musique qui s'est enclenchée automatiquement lorsqu'il a foutu le contact.

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Par-dessus les sirènes, la musique et les ronflements du moteur qu'il entretient avec un amour bien plus religieux que tout ce qu'il pourrait conjurer pour le bâtiment devant eux, Yancey entend à peine ce que Dakota lui rétorque. Pourtant, rien qu'à l'expression sur son visage, il devine qu'elle tente encore de l'envoyer chier, comme si elle pouvait se permettre ce luxe dans un moment pareil. Elle doit sentir que l'offre qu'il lui fait, celle d'une getaway car, n'est pas un mauvais deal. Deuxième fois qu'il lui sauve la mise, ce soir, non pas qu'il s'amuse à compter les points... Toujours est-il que la jeune femme daigne monter dans la caisse. Lorsqu'elle claque la portière derrière elle, il se retient de justesse de lui dire de faire gaffe. Ce n'est pas le moment, et puis comme elle lui flanque déjà un coup de poing dans l'épaule – dieu sait pour quelle raison, l'ingrate – il se contente de tirer un peu la tronche, concentré sur sa conduite tandis qu'elle, elle se marre.

Il s'accroche à l'idée que rien n'est très amusant dans cette situation mais le fait est qu'entre l'adrénaline et la précipitation, lui aussi pourrait se laisser tenter. Il a un goût pour les conneries plus que prononcé, ce n'est un secret pour personne et même si ce soir il s'amuse à jouer les compas morals, il ne peut pas vraiment lui donner des leçons. « Ose me dire que tu t’ennuierai pas sans moi Yan’. » lance-t-elle et s'il lève les yeux au ciel d'un air exaspéré, il ne peut retenir un sourire arrogant. Les pneus crissent dans le gravier, la voiture caracole entre les véhicules garés. Enfin, il rejoint la rue baignée d'une lumière orange par les lampadaires et laisse derrière eux ce qui n'est autre qu'une scène de crime. A côté de lui, Dakota est en train de bidouiller quelque chose et la lueur d'un briquet lui donne un indice quant à ce qu'elle trafique. Il s'apprête à faire une réflexion sur la notion de partage quand elle le prend de court. « T’en veux une ? J’dois bien ça à mon chevalier-sauveur. » demande-t-elle, clairement ravie de la situation. « Ouais, mais laisse moi sortir d'ici avant » rétorque-t-il en esquissant un geste vers ce qui ressemble à un semblant d'emboutteillage qu'il entreprend d'esquiver en filant d'une voie à l'autre sans réellement se soucier des autres conducteurs. Quelques mecs vexés osent klaxonner et faire des appels de phare, Yancey tend son majeur en guise de réponse, passant brusquement une vitesse pour accélérer sans délicatesse réelle. Conduite sportive à tendance brusque, vieille habitude douloureuse pour l'embrayage, malgré sa passion non dissimulée pour cette bagnole qu'il protège comme si sa vie en dépendait. « Fais pas la tronche Burkhart. Ce type l’avait bien mérité. » lance Dakota, lui faisant un peu serrer les dents. Oui, clairement le type l'a mérité mais faire ramer la brune en semblant plus agacé qu'il ne l'est réellement, c'est ça qui l'amuse. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? T’as pas la dalle ? J’ai la dalle » annonce-t-elle et Yancey la soupçonne d'être déjà en train de faire des plans pour leur attirer des ennuis supplémentaires.

« T'as intérêt à régaler, Flemming » siffle-t-il, prenant un virage sec pour rejoindre une artère un peu moins fréquentée. D'une main, il va attraper le paquet de clopes de la jeune femme, tirant une cigarette et la lui tendant pour qu'elle lui allume. « T'es vraiment pas normale pour avoir faim après ça, hein » il repense à la violence des propos du mec, à sa place il aurait décidé de faire la gueule pendant des jours, l'appétit complètement coupé. Il ne sait pas si c'est une question d'habitude ou si Dakota est juste trop bornée pour laisser un mec pareil avoir le dessus en la faisant chier une fois l'altercation terminée... Sûrement un peu des deux. Et puis de toute façon, maintenant qu'il y pense, lui aussi a faim, une envie de gras et de sel, pour oublier une soirée pourrie. Alors il prend un nouveau virage, puis s'engage dans une énième intersection, avalant le macadam jusqu'à rejoindre le drive d'un fast food. « Tu sais c'que tu veux ? » demande-t-il avant d'ajouter « J'te préviens, tu pioches pas dans tes frites tant que j'suis pas garé, j'veux pas de gras sur mes sièges... pareil pour le soda ! » Il a un peu l'impression d'être un daron stricte quand il parle comme ça mais Dakota est vive, brute de décoffrage et sans offense aucune, il ne lui fait qu'à moitié confiance quand il s'agit de garder l'habitacle de l'El Camino propre... Déjà qu'il jète des coups d'oeil nerveux vers la cendre qui s'accumule au bout de sa clope.

Le micro du drive craquelle et Yancey daigne enfin baisser la musique histoire d'entendre ce que l'employé sous-payé peu avoir à dire. Juste le blabla habituel, bonsoir, bienvenue, le ton est monotone, le gamin derrière la caisse blasé, probablement stone, c'est comme ça partout faut dire. « Un combo classique, pas de salade sur le burger, extra cornichons, frites, coca » il fait un signe de tête à Dakota pour la laisser commander à son tour. « Bord du lac Michigan, pour grailler, ça te va ? » il demande pour la forme, bien décidé à rajouter encore un peu de distance entre lui, les flics et l'église, une fois la bouffe récupérée.